La pratique artistique de la Néo-Zélandaise Kate Newby porte la marque d’une relation spontanée et directe à l’environnement ou l’espace dans lequel elle travaille. Bien que les propositions que développe Newby émanent de dialogues spécifiques avec les lieux, elles semblent néanmoins toujours dépasser la simple spécificité du lieu pour adopter une qualité formelle transposable. Cette aisance caractéristique traverse chaque action entreprise par l’artiste, et celle-ci parvient à mettre en place des situations qui semblent exister sans la moindre
emprise d’aucun maître.
C’est précisément de la sorte que Kate Newby a décidé d’aborder le bâtiment de La Loge. En le considérant presque d’un point de vue géographique, elle approche l’architecture comme un paysage potentiel, composé de différentes strates géologiques. On pourrait dire que les paysages sont des espaces qui s’offrent au spectateur, sans l’intervention d’une quelconque autorité. On peut les contempler paisiblement et partager leur réalité en toute quiétude. C’est dans le même esprit que Newby incorpore les objets, les espaces et les actions à ses œuvres. Les éléments dont elles se composent, comme du tissu en coton, des pierres et des galets en céramique, des bribes de phrases, des bouts de corde, du tapis, etc., apparaissent tous dans leur expression la plus banale, leur incarnation la plus quotidienne. Cependant, si elle présente en effet l’objet lui-même, ce que l’on voit est souvent la matérialisation d’une version légèrement différente de l’objet en question : le tissu est suspendu, devenant un espace, un toit, un abri…
Maybe I won’t go to sleep at all installe une ambiance dans laquelle les œuvres s’imposent à la fois comme présentes et
provisoires. Il s’agit surtout d’éveiller l’impulsion de petits voyages et d’événements mineurs. Les œuvres de l’exposition
sont également sollicitées. Elles participent à diverses activités : voyager avec l’artiste, passer du temps avec elle, flâner dans les rues, prendre un bain de soleil sur le toit, traîner sous la pluie bruxelloise, virevolter dans le vent ou encore faire des ricochets sur l’eau… Comme souvent dans sa pratique, au-delà de la production d’objets et d’installations,
Newby propose des gestes et des comportements qui célèbrent la réalité immédiate. La proposition de Newby à La Loge génère un environnement libre et positif, où ni le bâtiment ni l’œuvre ne cherchent à dominer l’autre. Se promener à travers l’exposition implique d’observer l’espace et de s’y mouvoir, et donc de s’en faire une idée et sans doute
de se sentir titillé par quelque chose.À l’instar de parcs, de routes ou de ronds-points qui sont (heureusement) sillonnés de sentiers sauvages – marquant le besoin impulsif de raccourcis ou de chemins plus attrayants –, la pratique de Kate Newby trace des lignes de désir.
Un commissariat de Anne-Claire Schmitz