Fish Plane, Heart Clock d'Arvo Leo - avec des œuvres originales de Pudlo Pudlat
10.09–31.10.15
Un poisson a survolé toute la distance qui sépare le Canada de la Belgique.
Le poisson est un poisson, mais il est également un avion.
Parce que le poisson est également un avion, il fut capable de voler depuis le Canada jusqu’à la Belgique.
Fish Plane, Heart Clock (2014) est un long métrage d’Arvo Leo qui célèbre et entre en dialogue avec l’œuvre du chasseur Inuit-devenu-artiste Pudlo Pudlat (1916-1992). Pendant plusieurs années, Pudlo Pudlat a vécu une vie traditionnelle semi-nomadique sur l’île de Baffin dans l’Arctique canadien. Dans la quarantaine, après une blessure de chasse, il s’installe dans le village de Kinngait (Cape Dorset) où il commence à dessiner en utilisant le matériel procuré par les Kinngait Studios, la première coopérative de création artistique Inuit. Au cours des trente années qui suivirent, Pudlo Pudlat produisit plus de 4 000 dessins et peintures au crayon de plomb, crayon feutre, crayon de couleur et à l’acrylique, dont beaucoup n’ont jamais été exposés.
Si le film Fish Plane, Heart Clock est avant tout une célébration lyrique de l’œuvre de Pudlo, il est également un document réaliste et magico-réaliste de la vie contemporaine à Kinngait. Ce qui nous est montré n’est ni tout à fait réel, ni entièrement fictif. Il ne s’agit pas d’un documentaire d’artiste, ni d’un film ethnographique ou structuraliste, mais bien d’une œuvre qui existe quelque part entre ces genres, et qui subvertit et associe les méthodes et tropes issus de divers styles cinématographiques. Fish Plane, Heart Clock est un cadavre exquis dont le corps est composé de parties apparues au moment de la recherche, du travail de terrain ou encore au cours d’improvisations.
Circulant dans le sang de cet être bricolé, se trou- vent des globules animés qui tentent de perturber l’œil ethnographique et le faire halluciner. Leur douce voix s’exprime de manière indirecte, faisant le choix de parler ‘à côté de’ plutôt qu’’à propos de’. Garde-fou des idées reçues, ces cellules défient toute tentative de parler au nom de la réalité d’autrui. Elles questionnent les notions d’appropriation et d’intention lorsqu’il s’agit d’aborder le travail d’un autre artiste; circulent de sorte à chérir l’indigènéité; négocient les frontières entre image en mouvement et image fixe; et apprécient la relation humain- animal d’un chasseur à la retraite qui a remplacé son har- pon par un crayon.
De nombreux dessins de Pudlo sont présentés dans Fish Plane, Heart Clock, ils s’offrent au regard du spectateur comme des images qui s’intègrent au medium et à la temporalité du film. En montrant une série d’œuvres originales à La Loge aux côtés du film d’Arvo, nous sommes heureux d’offrir une alternative temporelle et l’opportunité d’apprécier les qualités matérielles et plastiques du travail de Pudlo Pudlat.
Un commissariat par Anne-Claire Schmitz
